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De brique et de broque
21 février 2015

C'était il y a 100 ans, ... au cours de l'hiver 1914-1915, à Woesten du côté d'Ypres

Woesten

carte Woesten

Woesten entre Ypres et Furnes (google-earth.com)

 

Woesten s’élève le long de la route Menin – Furnes entre Elverdinghe et Oostvleteren[1]. Nous y passâmes de bonnes journées et y fîmes nos meilleurs amis. De moindre importance qu’Elverdinghe et de plus médiocre ravitaillement, les cantonnements y étaient plus spacieux et moins encombrés.

cantonnement Woesten horizontal

 Croquis du cantonnement de Woesten par Maurice Gabolde

 

En arrivant d’Elverdinghe par la grande route suivie par le train sur route[2] d’Ypres à la mer, on rencontrait, au carrefour de la route de Poperinghe, le château transformé en ambulance, maison bourgeoise de quelque apparence, avec façade sur la rue.

 

Train sur route

 Figure 40 : Un exemple de train sur route pour voyageurs[i]

 

Presque en face, en arrière du presbytère, l’église à la tour massive et carrée entourée de son cimetière où dorment bien des nôtres. Puis la mairie au toit pointu. Quelques maisons bourgeoises, des fermes aux vastes cours, de nombreux estaminets et quelques boutiques. Le tout sur une longueur d’un kilomètre environ. Nous cantonnâmes d’abord dans la grand-rue chez de braves petits bourgeois-agriculteurs qui habitent une maison basse et triste, séparée de la rue par une grille de buis, presque en face de la mairie. À côté s’élevait la principale épicerie de l’endroit qui fut vite notre Q.G. Accueil hospitalier et bon enfant, liqueurs variées que l’on dégustait dans le salon ou l’arrière-boutique. La famille se composait de la mère, du fils et de leurs deux filles, l’une aux cheveux roux, l’autre très brune et d’une cousine réfugiée d’Ypres. Nous y passons nos soirées à jouer du piano ou à chanter en buvant du champagne. Une nuit, arrivant du secteur à 2 h du matin, nous eûmes même l’idée de venir chez eux à cette heure pour nous faire ouvrir le salon et souper au champagne. Ils se prêtèrent de bonne grâce à cette fantaisie de soldats en guerre et nous firent de la cuisine à cette heure. Nous les avons quittés avec un vrai regret ; ils avaient le pressentiment tragique de l’avenir, lors de notre relève, quand les Anglais arrivèrent et ne surent, malgré les dépenses qu’ils faisaient, se faire aimer nulle part. Nous fûmes tous invités chez eux… pour après la guerre, mais je reste presque le seul de tous ceux qui furent l’âme des soirées de Woesten.

Woesten_Sint-Rectrudiskerk

L'eglise de Woesten avec sa tour carrée et son cimetière où dorment bien des nôtres (wikimedia Woesten)

 

Nous cantonnâmes plus tard à l’autre extrémité du village, sur la route de Poperinghe dans les petites fermes essaimées dans les houblonnières. Nous couchions dans une ferme habitée par le régisseur du château d’Houthulst qui y était réfugié et mangions chez un boulanger qui habitait en face. Il avait une nombreuse famille, et tout ce monde avait un cœur d’or. Nous dinions en famille et reconnaissions par des plats fins achetés à Poperinghe leur amabilité. Le père était un ancien soldat et il aimait obliger les militaires. Le commandant couchait à côté, chez de vieilles gens qui avaient chez eux une bonne-sœur évacuée de Zonnebeke et qui passait ses journées à nous demander ce qu’était devenu son couvent. Elle recevait chez elle des évacués de Zonnebeke et s’entretenait avec eux des malheurs du pays. C’est ainsi que je fis la connaissance du boulanger de s’Gravenstafel dont nous occupions la cave et qui vendait à Woesten les journaux de Paris ; celle du meunier du même lieu qui vint un soir de relève avec nous délivrer son magot qu’il avait enfoui sous son four avant de fuir sa demeure.

Houblonniere yserhouck free

Les houblonnières flamandes (yserhouck.free)

 

Nous finîmes par connaître bien des gens à Woesten et à devenir un peu du pays. Une confiance réciproque s’était établie, et ils ne pressentirent que trop bien le malheur qui les menaçait après notre départ.

Woesten2

 ... le malheur qui les menaçait après ... (Delcampe.net)

 

Extrait du livre « Les carnets du sergent fourrier » :

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=41720



[1] Oostvleteren est à huit kilomètres au nord-ouest d’Elverdinghe et forme avec Vleteren et Westvleteren un petit groupe villageois presque homogène.

[2] En fait de train sur route, il devait s’agir du tramway d’Ypres à Furnes qui circulait sur rails, comme on le verra un peu plus loin.

Woesten tram

Le tram de Ypres à Furnes au passage d'Elverdinghe, un peu avant de passer à Woesten (delcampe.net)

[i] Figure 40 : Crédit photographique site fr.geneawiki.com

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Commentaires
De brique et de broque
  • Ce blog reprend, depuis la fin 2015, la publication d'extraits d'un livre que je souhaite rééditer, les "Ecrits d'exil" de Maurice Gabolde, mon GP. Auparavant ce furent les extraits des "Carnets du sergent fourrier". Voir aussi (http://gabolem.tumblr.com)
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