C'était il y a 100 ans, ... le jeudi 22 octobre 1914, à Bienvillers

22 octobre 2014

C'était il y a 100 ans, ... le jeudi 22 octobre 1914, à Bienvillers

22 octobre 1914 – jeudi

De retour à Bienvillers (geoportail.gouv.fr)

Au petit jour, on redescend à Hannescamps. Le bataillon est furieux et trouve que c’est vraiment abuser, surtout lorsqu’il apprend que les deux autres bataillons se reposent depuis quelques jours. Quelques jours plus tard, il raisonnait autrement et remerciait le colonel qui avait su épargner au moins un de ses trois bataillons dans la deuxième affaire de Monchy. Toute la journée, on se met en cuisine. On a découvert un sac de farine en repassant à Bienvillers, et nous faisons des beignets. Le commandant est installé au presbytère où les balles entrent par les trous d’obus et où de lamentables loques de rideaux pendent encore aux fenêtres sans carreaux. Un phonographe a échappé aux bouleversements et à la barbe des Boches. Nous lui faisons chanter des airs religieux pour passer le temps.

Un phonographe de l'année 1904-1908 (radiophonomania.ch/img/doc/neophone.jpg)

À la nuit, des ordres de la division suppriment le bataillon en réserve dans Hannescamps et l’envoient devant Bienvillers, face à Monchy, dans de confortables tranchées-abris construites par des régiments de territoriaux qui s’en vont. Au moment de l’attaque projetée sur Monchy, il tiendra la 1^ère ligne devant Monchy où il relèvera les bataillons d’attaque.

La relève et le bruit qu’elle fait, provoquent une vive fusillade qui, dans les ruines d’Hannescamps, provoque quelques pertes. Nous quittons le village en rampant pour éviter les balles et gagnons Bienvillers qui est plus calme et dont les maisons ont encore quelque aspect.

Nous quittons le village en rampant

(flickr.com/photos/23741388@N00/15160811687)

J’accompagne le bataillon jusqu’à ses tranchées creusées en avant du calvaire qui regarde Monchy. Le commandant s’installe dans la dernière maison du village, face au calvaire et située au fond de la ruelle qui monte contre l’église où se trouve le poste de secours, et, dans la même rue, je peux placer toutes les cuisines du bataillon dans des maisons abandonnées, mais respectées par les obus si elles ne l’ont pas été par les soldats, car le pillage y est à son maximum.

Les cuisines (naturabuy.fr)

Bienvillers est un gros village, d’aspect gai et riche. Il y a quelques belles maisons bourgeoises dans la rue du bas et des boutiques : mais c’est le coin le plus bombardé, car il avoisine l’église dont la haute et massive tour contrarie l’ennemi. Une grande rue, longue de près de deux kilomètres qui n’est autre que le début de la route de Souastre n’a presque pas souffert : quelques maisons sont démolies, quelques tuiles manquent, mais l’ensemble bien qu’évacué est intact, et nous allons vivre plusieurs jours tranquilles dans ce joli coin – pendant que le drame de Monchy se déroulera devant nous. Petit à petit, les habitants reviendront, et des commerçants habiles, se ravitaillant tous les jours à Pas[1] ou Doullens, nous permettront d’acheter, biscuits, liqueurs, chocolat pour la 1^ère fois de la campagne. La rue Cocriamont[2], également intacte, nous fournira de bons cantonnements et de la paille fraîche. Bienvillers fut pour nous un vrai oasis, au propre – dans ses vergers où il se cache – et au figuré, pendant les dures journées de la bataille sous Arras.