C'était il y a 100 ans, ... le 15 avril 1915, le 69ème R.I. s'apprête à partir pour une destination inconnue
CHAPITRE XVI
Le départ de Belgique
15 avril 1915 – jeudi
Nous étions au repos à Moorteldje attendant les ordres d’embarquement. Nous quittions la Belgique pour une destination inconnue. En général, on était curieux et un peu triste. La terre des Flandres ne nous avait pas été bien cruelle depuis plusieurs mois et elle nous avait permis de nous re-familiariser avec la vie. L’avant-veille au soir, les officiers canadiens étaient venus à S’Gravenstafel avec la relève du 26ème qui allait leur passer le secteur.
Sir Sam Hugues, ministre de la guerre canadien (3ème depuis la droite) et quelques officiers canadiens (ledevoir.com)
C’étaient de beaux gars bien découplés et équipés à neuf qui allaient faire la guerre pour la première fois. Ils étaient donc imprudents et enthousiastes. Le capitaine Brunel leur servait de pilote et était tout à son affaire, parlant merveilleusement l’anglais. Les troupes qui nous relevaient étaient plus nombreuses que nous, un colonel allait venir à la maréchalerie, deux compagnies seraient en 1ère ligne au bord du Stroombeek, et il y aurait une compagnie de réserve dans les fermes en ruine du chemin du carrefour bombardé. Le capitaine Vétillart fit visiter à tous ces officiers le secteur dans ses moindres détails. Il y avait une belle lune, et le sol était à peu près sec.
Il y avait une belle lune... (ouverturefaile.com)
Quand tout fut fini, comme nous descendions vers le carrefour, le fameux coup des cuistos (une salve d’obus tirée sur le chemin) faillit nous être fatal. Nous eûmes juste le temps de nous accroupir à terre, et le vent de l’obus nous donna un petit frisson, le dernier en Belgique. Puis, ce fut la marche bon pas vers Moorteldje. Nous croisions de belles pièces de l’artillerie de campagne anglaise qui venait relever notre 8ème.
Artillerie lourde anglaise (passiocompassion1418.com)
Je profitai de cette dernière journée de repos pour aller dire un dernier adieu à Ypres. J’y passai l’après-midi avec Bigot, un dernier tour dans les rues de la place Vanderpoon[1] et un lunch dans une crémerie anglaise de la Grand-Place, du seuil de laquelle nous vîmes défiler des régiments canadiens qui partaient relever en chantant, dansant et tapant à coup redoublé sur des boîtes de conserves attachées par des ficelles à leur cou.
À peine rentré, dans la nuit qui tombe, voilà qu’on se prépare au départ. Les ordres sont arrivés. Nous embarquons demain à Woesten pour une destination inconnue et en automobiles.
Rapidement les canadiens prendront la relève autour d'Ypres (carlpepin.com)
Extrait du livre « Les carnets du sergent fourrier » :
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=41720
[1] Il s’agit vraisemblablement de l’Alphonse Vandenpeereboomplein (l’esplanade Alphonse Vandenpeereboom) du nom d’un homme politique, ancien bourgmestre d’Ypres, dont le buste se dresse encore devant la cathédrale Saint-Martin.