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De brique et de broque
3 mars 2015

C'était il y a 100 ans, ... le printemps approche et le sergent fourrier évoque un autre de ses cantonnements, Oosvleteren

Oostvleteren

 

C’était un village coquet et fort ancien, comme en témoignait le vieux château à poivrières[1] qui s’élevait à côté de l’église 

 

oostvleteren le chateau

Figure 43 : Le château à poivrières d’Oostvleteren[i]

 

Les deux villages frères, Oost et Westvleteren, s’élevaient à un kilomètre environ l’un de l’autre, Oost sur la route de Menin à Furnes, West sur la route de Dixmude à Poperinghe. Oostvleteren se composait de deux rues principales, où s’élevaient la poste, la mairie et les principales maisons. Une grande place avait à son centre l’église au clocher pointu, et quelques vieilles rues y aboutissaient ; là, les boutiques étaient basses, les fenêtres étroites à petits carreaux, un paysage de Téniers[2]. Un vieux château du temps de la domination espagnole faisait bien dans le tableau.

Oostvleteren

Un plan de Oostvleteren selon l'Atlas de Ferraris (kbr.be/collections/cart_plan/ferraris)

 

Le ravitaillement était facile et abondant, et nous y fraternisions avec les Belges qui y venaient au repos, bonnes parties de beuveries dans la « Cour de Flandre » ou ailleurs. La pâtisserie y était délicate et fort appréciée. Les Allemands bombardèrent une fois l’église et réussirent à démolir un grand café de la place, quelque « Cour de Saint-Georges ou de Brabant ». Ce fut tout et, en dehors de l’accident, ça se borna à quelques vitres cassées. Nous y cantonnâmes dans une ferme de quelque importance qui se trouvait à la sortie du village, sur la grande route, dans la direction de Woesten. Les propriétaires étaient accueillants et prêtaient leur salle à manger et leurs ustensiles de cuisine. Nous couchions sur une vaste porcherie dans un grenier où l’on accédait par une trappe. La maison était vieille et avait un aspect XVIIIème siècle, les meubles anciens et massifs, les cuivres beaux et brillants.

Oostvleteren Teniers 2 fr muzeo com

Un paysage de Teniers (fr.muzeo.com)

 

Nos propriétaires perdirent un petit enfant durant notre séjour, et nous assistâmes à l’enterrement. À force d’errer dans les rues du village, nous fîmes connaissance d’un barbier-cafetier chez lequel nous allions manger des poires cuites et boire du cognac, pendant qu’on se faisait raser tour à tour. Je fis enfin ample connaissance du propriétaire de la « Cour du comte de Flandre » ; il avait des parents dans l’armée belge et faisait partie du conseil municipal.

poire cognac

...manger des poires cuites et boire du cognac... (photomontage E.G.)

 

Dans son petit salon, nous bûmes de la vieille liqueur d’Anvers en causant des malheurs du temps en compagnie d’artilleurs belges qui avaient fait la bataille d’Eghezée[3] et la retraite d’Anvers[4]. Ils nous révélèrent des particularités fort intéressantes du début de la campagne et de l’incurie qui présida à la défense de Namur. Étant au repos à Oostvleteren, nous fîmes avec le bataillon quelques promenades hygiéniques aux environs, sur des routes épouvantables et dans une région complètement inondée[5] : Zuydcoote[6], Reninghe, le pays de Furnes.

inondation4

 Les polders inondés en octobre 1914 (lesoir.be)

 

Extrait du livre « Les carnets du sergent fourrier » :

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=41720

 



[1] Les poivrières sont des guérites maçonnées qui s’élèvent en encorbellement aux angles d’un bastion.

[2] Il s’agit vraisemblablement de David Teniers l’ancien (Anvers, 1582 – Anvers, 29 juillet 1649), peintre réputé pour ses tableaux de villages flamands.

[3] Le 13 août 1914, à Eghezée, à quinze kilomètres au nord de Namur, un détachement de cavalerie et d’infanterie belge surprend un bivouac de la cavalerie allemande et l’attaque sans subir de pertes, y repoussant l’armée allemande.

[4] En refusant de laisser passer l’armée allemande et en faisant retraite sur Anvers l’armée belge fit perdre des hommes et du temps à l’armée allemande qui dût prélever 10% de ses troupes pour essayer d’encercler l’armée belge et contourner l’armée française par le nord, ce qu’elle ne réussit pas à faire. Cette lente retraite permit la victoire de la Marne et l’arrêt de la progression allemande sur la ligne du front.

[5] En octobre-novembre 1914 l’état-major belge est parvenu à faire ouvrir les vannes des digues qui protègent de la mer cette région de polders. Aussi, l’eau inonde-t-elle le théâtre des opérations, plus bas presque partout, que le niveau de la mer. C’est un des éléments qui permit de bloquer l’accès à Dunkerque et Boulogne et qui explique peut-être ces inondations.

[6] Zuydcoote est situé en France, à mi-chemin entre Furnes (Belgique) et Dunkerque.



[i] Figure 43 : Crédit photographique Guido Parrein sur GeneaNet

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Commentaires
De brique et de broque
  • Ce blog reprend, depuis la fin 2015, la publication d'extraits d'un livre que je souhaite rééditer, les "Ecrits d'exil" de Maurice Gabolde, mon GP. Auparavant ce furent les extraits des "Carnets du sergent fourrier". Voir aussi (http://gabolem.tumblr.com)
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