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De brique et de broque
23 novembre 2014

C'était il y a 100 ans, ... le lundi 23 novembre 1914, à Langhemark

23 novembre 1914 – lundi

carte 23 11 1914

 De l'abbaye de Saint-Sixte à Langhemark (google-earth.com)

 

Le matin, je vais toucher les prêts à l’officier de détail[1] à Eikhoek, puis je fais états sur situations. Avec cela il faut sortir les ordres et faire la liaison. Je n’y puis tenir. Le commandant prend heureusement une décision qui assurera ma tranquillité pour l’heure. Ordre est donné à ma compagnie de ne plus compter sur moi comme comptable et chef des cuisiniers : je ne ferai que la liaison et la transmission des ordres. Le soir, nous devons relever devant Langhemark toutes sortes d’unités. Il faut substituer à un secteur d’attaque un secteur purement défensif de campagne d’hiver. L’opération de la relève s’annonce longue et difficile, et nous partons de bonne heure pour pouvoir arriver avant le jour. Nous utilisons cette fois la route pour gagner Elverdinghe, puis Boesinghe d’où nous nous engageons sur la route « bombardée » de Langhemark qui ne justifie cependant pas ce soir-là son appellation.

poelekapelle route 2 flandersfields be

La route de Langhemark avant qu'elle ne soit bombardée (flandersfields.be)

 

 

Comme le dit un jour une chanson populaire parmi nous :

 

« Pour aller à Langhemark

Quel bien mauvais chemin

Nous partîmes le soir

Pour arriver le lendemain »

 

La route, jadis pavée, est défoncée sur son parcours ; des arbres fauchés par les obus l’encombrent ; elle est entrecoupée de tranchées creusées par tous les braves qui ont pris et repris Langhemark. La lutte a été terrible ici. Anglais, Belges, Zouaves, Joyeux[2] ont tour à tour possédé et perdu Langhemark qui est la ville de quelque importance la plus ravagée que j’ai vue.

zouaves 3

Les Zouaves (photobucket.com/user/NICO37)

 

Bombardée nuit et jour, ce ne sont que ruines au travers desquelles sifflent les balles. Notre mission est d’assagir ce secteur et de tenir Langhemark. Pour le moment, on relève comme on peut. Le colonel adopte provisoirement ce dispositif : il enlève le bataillon au commandant Navel et répartit les compagnies à la disposition des deux autres bataillons qui vont, ainsi renforcés, relever tout ce qu’il y a devant Langhemark. Mon commandant, qui n’a plus rien à faire, n’a plus qu’à trouver un endroit tranquille et peu bombardé à proximité où il attendra la prochaine relève qui s’annonce lointaine, à cause des opérations de substitution qui se produisent. Ma compagnie passe réserve au moulin de Langhemark, au sud-est de la gare dont les longues théories de wagons concentreront longtemps le bombardement d’un ennemi qui s’imagine qu’ils contiennent des réserves. Pour nous, nous prenons un instant de repos dans une maison voisine du moulin et nous partons, au fin matin, à la recherche du lieu qui doit nous abriter pendant plusieurs jours.

moulin langhemark2

 Le moulin de l'entrée de Langhemark (delcampe.net)

 

Extrait du livre « Les carnets du sergent fourrier » :

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=41720

 



[1] L’officier de détail est affecté à l’état-major du régiment et dirige le train de combat à son échelon supérieur (TC2), un échelon inférieur (TC1) étant dirigé par un sous-officier. Il supervise la comptabilité, enregistre les décès et est responsable de l’approvisionnement et de l’équipement des combattants. C’est en quelque sorte l’intendant du régiment.

[2] Les « Joyeux » étaient les soldats des « bat d’Af », les cinq bataillons d’infanterie légère d’Afrique dans lesquels se trouvaient affectés notamment des militaires sanctionnés et des civils condamnés au moment de leur incorporation. Ils avaient pour coutume de porter, tatouée sur leur jambe, l’inscription « marche ou crève ».

bataillon d'afrique

Les bataillons d'Afrique (passionmilitaria.com)

 

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De brique et de broque
  • Ce blog reprend, depuis la fin 2015, la publication d'extraits d'un livre que je souhaite rééditer, les "Ecrits d'exil" de Maurice Gabolde, mon GP. Auparavant ce furent les extraits des "Carnets du sergent fourrier". Voir aussi (http://gabolem.tumblr.com)
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