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De brique et de broque
26 avril 2015

C'était il y a 100 ans, ... le lundi 26 avril 1915, au repos dans Maroeuil

CHAPITRE XIX

 

Le repos avant l’attaque

 

 

26 avril 1915 – lundi

 

Une fois brossé et débarbouillé, nous transportons nos pénates à la villa de l’intendant où une désillusion nous attend. La malheureuse maisonnette est complètement mise à sac. Tiroirs et meubles jonchent le sol, et le commandant s’empresse de le faire constater pour ne pas être rendu responsable du dégât. La villa est au milieu d’un petit jardinet transformé en feuillée et tas d’ordure, comme c’est la règle à Marœuil. À l’intérieur, pourtant, le piano a été respecté, et il y a, aux murs, des tas de tableaux d’amateurs représentant principalement la région. Mont-Saint-Éloi a été croqué sous toutes ses faces, et il y a, dans la salle à manger, un tableau horloge représentant le beffroi d’Arras et muni d’un carillon que nous nous empressons de faire jouer en tirant sur une ficelle. Mais ce que nous apprécions le mieux, c’est la cave qui est voutée et où nous nous proposons de dormir. Le reste de la matinée se passe à ouïr le rapport de la place qu’il faut aller copier à la mairie et qui contient surtout des descriptions relatives aux aéros ennemis. Sitôt, en effet, qu’un Taube survole Marœuil, le bombardement commence, et, comme le village est surchargé de garnison, les victimes sont nombreuses à tous les coups. Les hommes sont donc rigoureusement consignés, et l’on ne peut circuler qu’avec un motif de service. C’est un bien drôle de repos dans des granges infectes.

tableau horloge Arras1

Le tableau horloge du beffroi d'Arras devait ressembler à celui-ci (montage EG (damlencour.unblog.fr))

 

Comme s’il n’y avait pas assez de soldats, le 79ème vient cantonner le soir, et nous apprenons vers 3 h qu’il faut lui faire un cantonnement dans ce qu’il reste libre, quitte à resserrer nos compagnies. Je pars aussitôt avec le commandant à la recherche d’emplacements vacants.  Un bon territorial qu’un hiver passé à Marœuil a transformé en guide quasi-officiel nous dirige vers le bas quartier situé entre le Merderet et Étrun. Nous parcourons le quartier et le visitons dans ses recoins. Ce qui est intact est occupé par des artilleurs. Beaucoup d’habitations aux volets clos font un certain effet vues de l’extérieur, mais quand on a enfoncé les portes on voit que le toit est écroulé et que l’herbe pousse dans les ruines. Le cantonnement nous prend l’après-midi, et, comme le commandant est très énervé, il se dispute avec tous les indigènes en mettant des sections dans des locaux qui peuvent à peine contenir dix hommes. Il me laisse enfin le soin de loger les officiers. La difficulté est ici insurmontable. Ce n’est qu’à la nuit que j’obtiens un lit pliant dans le château du haut du village pour le chef de bataillon, après entente avec un sous-lieutenant d’artillerie lourde qui veut bien s’en défaire pour un officier supérieur. Je profite de ce que je suis dans le château, tour d’ivoire de MM. les artilleurs lourds, pour visiter les souterrains dont on parle dans le village comme du dernier refuge en cas de grand bombardement de Marœuil que je m’étonne de ne pas avoir encore vu se réaliser.

 

Maroeuil souterrains

Un croquis des souterrains du château de Maroeuil (maroeuil.fr)

 

Maroeuil souterrain

 Une vue du souterrain du château de Maroeuil (maroeuil.fr)

 

Extrait du livre « Les carnets du sergent fourrier » :

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=41720

 

 

 

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Commentaires
De brique et de broque
  • Ce blog reprend, depuis la fin 2015, la publication d'extraits d'un livre que je souhaite rééditer, les "Ecrits d'exil" de Maurice Gabolde, mon GP. Auparavant ce furent les extraits des "Carnets du sergent fourrier". Voir aussi (http://gabolem.tumblr.com)
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