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De brique et de broque
28 décembre 2015

Première pause dans la progression du projet et publication de l'extrait n°4

Aujourd'hui, je constate une première pause dans la progression de mon  projet de réédition des “Ecrits d’exil”. J'attends avec impatience l'aide de ceux qui, en dehors d'amis et relations, sont avant tout sensibles à voir publier un témoignage de l'Histoire émanant du côté des “vaincus”.

Pour participer au projet de réédition rendez vous sur:

 

Ecrits d'exil

Bonjour, Je m'appelle Emmanuel GABOLDE. Je suis l'un des petits-enfants de l'auteur du livre que j'aimerais faire ré-éditer avec votre aide. J'ai 65 ans et je vis en France. Mon projet, aujourd'hui, vise à faire rééditer un livre que j'ai créé il y a quelque six ans, "Ecrits d'Exil".

http://www.kisskissbankbank.com


http://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/ecrits-d-exil

Je continue à montrer des extraits du livre. Celui-ci concerne un passage consacré à la Cour Suprême de Justice, celle qui aurait dû juger Daladier, Blum et Gamelin.

ECRITS D’EXIL (Extrait n°4)

L’extrait suivant des « Ecrits d’exil » concerne un des aspects de la mise en place de la Cour Suprême de Justice, la juridiction d’exception créée pour juger les « responsables de la défaite militaire », en l’occurrence MM. Daladier, Blum, La Chambre, Jacomet et Gamelin[i] :

… Les accusateurs publics furent également choisis dans le corps judiciaire ; ceci n’était pas une innovation, puisque c’étaient des magistrats qui remplissaient ce rôle devant la Haute Cour de la IIIème République. Le chef du Parquet fut l’Avocat général Cassagnau[ii], un Béarnais de belle prestance, subtil et intelligent, éloquent et diplomate, que l’expérience des milieux politiques, qu’il avait acquise comme « metteur en scène » de la célèbre affaire Stavisky[iii], avait rendu circonspect et un tantinet sceptique. On pouvait être assuré qu’il ne se laisserait jamais emporter par la passion et conserverait à l’accusation le caractère de mesure et de dignité qui fait sa force. Le choix dont il avait fait l’objet témoigne du souci d’impartialité dont firent preuve les dirigeants de l’époque et explique, sans doute, pourquoi on écarta les sollicitations de l’Avocat général Mornet qui s’était offert à jouer les Fouquier Tinville. Il est vrai que ce « Procureur des feux de file »[iv] a depuis pris sa revanche et obtenu toute licence de dépenser sa tumultueuse éloquence qu’il tenait en réserve et n’avait pu déverser sur MM. Daladier, Blum et Gamelin. L’on ne devait guère avoir l’embarras du choix en 1945, puisqu’on dut, quand on accepta ses services, passer l’éponge sur sa collaboration à la Commission chargée de retirer la nationalité française à des Juifs durant l’occupation allemande.[1]

M. Cassagnau fut assisté de deux Avocats généraux, M. Gabolde[v], Procureur général près la Cour d’appel de Chambéry et M. Bruzin[vi], Avocat général à la Cour de Paris. Ce dernier était l’un des représentants du Ministère public les plus appréciés à l’époque. Juriste de la plus grande valeur, travailleur acharné, organisateur remarquable, il avait véritablement créé un organisme de premier plan, véritable clé de voûte du Parquet de la Seine, dans les dernières années de la IIIème République si fertiles en scandales financiers, la Section Financière, dont l’activité fut si féconde et dont le champ d’action s’étendit sur tout le pays.

Le service du Secrétariat de la Présidence de la Cour suprême fut confié à un jeune magistrat qui comptait déjà de brillants antécédents, car il avait été chargé de diriger l’instruction de l’affaire de « La Cagoule »[vii], le dernier retentissant procès politique de la IIIème République ; il s’acquitta de bonne grâce de fonctions qui étaient inférieures à ses mérites professionnels, en recherchant dans les « Débats parlementaires » du Journal officiel les documents qui serviraient à la confection du réquisitoire du Parquet. Sa désignation avait surpris, car les liens qui avaient uni le nouveau Garde des Sceaux à la Cagoule n’étaient un secret pour personne ; sa désignation et son acceptation marquaient de la part des deux intéressés un effort de bonne volonté et une trêve dans la liquidation du passé. M. Béteille[viii] fut, à la suite de ce passage à Riom, promu au grand choix par le Gouvernement du Maréchal  au poste de Conseiller à la Cour de Paris et la IVème République lui a témoigné sa confiance en le chargeant de l’instruction du procès dirigé contre l’ancien chef de l’État et contre le Président Laval. Il se serait, au témoignage de Me Naud[ix], avocat de ce dernier, comporté, dans l’accomplissement de ces missions difficiles, avec une parfaite correction, ce qui fait le plus grand honneur à sa conception du devoir du magistrat. Il me souvient d’un propos tenu devant moi, à Sigmaringen, en Janvier 1945, par Darnand[x] qui fondait de grandes espérances sur son impartialité, et souhaitait qu’il fut chargé de l’instruction de son procès, mais je manque d’éléments pour mesurer la part d’illusions ou de fondement qu’il y avait dans cette croyance, dans l’impossibilité de contrôler les motifs qu’il invoquait.

Aucun des magistrats qui composèrent la Cour suprême n’avait sollicité sa désignation. Le Président et le Procureur général choisirent leurs collaborateurs, tous absents de Vichy lors de leur nomination. Pour ma part, je reçus à Chambéry un avis téléphonique de M. Cassagnau qui me surprit fort. Il m’annonçait ma nomination et me priait de me rendre immédiatement à Vichy ; le soir même la Radio confirmait ce message. Les trains ne fonctionnaient encore pas, en raison des destructions opérées en Savoie et en Dauphiné dans les derniers jours de la guerre, et je dus à l’obligeance de l’autorité militaire, qui mit à ma disposition une automobile pilotée par un soldat, de pouvoir rejoindre mon destin. M. le Vice-président Lagarde, réfugié dans sa propriété d’Hendaye, en zone occupée par l’armée allemande, fut informé lui aussi par la Radio. Ce fut également le cas de M. Lesueur, mobilisé dans un tribunal maritime en Bretagne et qui avait été sur le point d’être fait prisonnier. MM. Tanon et Baraveau se trouvaient à Lyon où avait échoué la Cour de cassation et où ils apprirent, avec quelque stupeur, l’honneur redoutable qui leur était fait. Dans le trajet entre Lyon et Vichy, que je fis en compagnie de M. Tanon, ce parfait honnête homme, scrupuleux comme toutes les natures d’élite, manifestait ses appréhensions devant une tâche si peu en harmonie avec sa préparation de « civiliste ».

Autre particularité : aucun de nous n’avait franchi les échelons de la hiérarchie judiciaire après un passage dans les cabinets ministériels et ne devait sa carrière à la reconnaissance d’un Garde des Sceaux. Le Gouvernement de la IVème République, par contre, a, dans les procès dirigés contre le Maréchal et ses collaborateurs, fixé son choix sur des magistrats, Président et assesseurs, anciens Directeurs ou chefs de Cabinet de Gardes des Sceaux. M. Mongibeaux[xi] avait rempli ces fonctions auprès de Raoul Péret[xii] ; les Conseillers à la Cour de cassation qui l’assistaient étaient dans la même situation. Il est vrai qu’ils n’avaient pas à juger et qu’ils se bornaient à diriger les débats, puisque le soin de décider avait été remis à des adversaires politiques. C’est à l’Histoire qu’il appartiendra de se prononcer en dernier ressort sur cette conception de la justice.

La Cour inaugura ses travaux par une séance spectaculaire d’installation dédiée aux reporters, et aux photographes. Le Président Caous n’était pas ennemi d’une certaine publicité ; les questions de cérémonial lui tenaient fort à cœur et, par la suite, il transforma la salle austère de la Cour d’assises du Puy-de-Dôme en une sorte de salon de conférences mondaines, avec des lustres de verroterie et des tentures rose tendre, peu en harmonie avec la nature des débats auxquels elle servait de cadre. Il faut reconnaître que ce grand seigneur avait fort grand air, drapé dans l’hermine et la pourpre de son costume que l’élégance de ses attitudes mettait en valeur.

Avant l’audience, les magistrats s’entretinrent, dans la Chambre du Conseil, avec le Garde des Sceaux. Un buste en marbre du Président Bonjean[xiii], victime de la haine des Communards de 1871 contre les défenseurs de la société bourgeoise décorait la salle ; un superstitieux comme Laval y aurait vu un funeste présage. Je prenais contact pour la première fois avec M. Alibert ; le masque du visage était dur et volontaire ; il s’exprimait avec chaleur, autorité et une certaine véhémence ; son visage et son crâne se coloraient fortement au fur et à mesure qu’il développait son allocution ; il paraissait sûr de lui et décidé à profiter de la « divine surprise » qui l’avait porté au pouvoir. Il ne cachait pas que la Cour suprême était son œuvre et qu’il serait son « Mentor » dans les jours à venir. Il avait appartenu au Conseil d’État, s’en était séparé pour se consacrer à la défense des intérêts de la grande industrie ; il était l’auteur d’un plan de la réforme de l’État dans un sens autoritaire et technique qui l’apparentait aux doctrinaires synarchiques ; il avait une véritable âme de partisan, était anti-parlementaire et nettement Maurassien ; il donnait l’impression du théoricien qui voit sonner l’heure d’appliquer ses doctrines et ignore l’art de ménager les transitions. Il se révéla peu perspicace et très crédule à en juger par les singuliers témoins (Loustanau-Lacau[xiv], Devinat[xv], etc.) qu’il nous fit entendre et aux fantaisies desquels il avait donné crédit[2]. Il était accompagné de son éminence grise, M. de Font-Réaulx, qui dissimulait, dit-on, un esprit original sous une enveloppe physique grotesque, dépourvue de tout système pileux et agrémentée d’une voix de fausset. Il était, murmurait-on, fort intrigant, ennemi déclaré de la République, « la Gueuse » suivant son expression favorite. Il avait été un des conseillers du Maréchal à Bordeaux et, si l’on en juge par l’incident Mandel, avait alors manqué de sang-froid et de pondération. Doué d’une forte puissance de travail, il était, avec le nouveau Secrétaire général Dayras[xvi], la cheville ouvrière du Ministère. M. Alibert était enfin assisté de son fils, grand jeune homme d’aspect lymphatique que je retrouvai plus tard Secrétaire général de la Préfecture de la Savoie.

Dans la cohue des officiels entassée dans la salle, le hasard me plaça aux côtés d’un Général au képi tout bosselé et porté d’une façon désinvolte. Il se nomma et me fit une ardente profession de foi Maréchaliste et très Révolution nationale. C’était le Général de Lattre de Tassigny[xvii], venu exprès de Clermont-Ferrand où il commandait la région pour manifester son enthousiasme à l’égard de la haute juridiction politique du nouveau régime. Il devait, en 1943, me créer, par son évasion de la maison d’arrêt de Riom, de sérieuses difficultés et servir de prétexte à la main mise de la Milice sur l’administration pénitentiaire…

…(à suivre si et lorsque les « Ecrits d’exil » seront réédités)…

Pour participer à la réédition des « Ecrits d’exil », rendez-vous sur :

 

Ecrits d'exil

Bonjour, Je m'appelle Emmanuel GABOLDE. Je suis l'un des petits-enfants de l'auteur du livre que j'aimerais faire ré-éditer avec votre aide. J'ai 65 ans et je vis en France. Mon projet, aujourd'hui, vise à faire rééditer un livre que j'ai créé il y a quelque six ans, "Ecrits d'Exil".

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http://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/ecrits-d-exil

[1] Dans la réalité, on avait, en effet, pressenti M. Mornet qui s’était empressé d’accepter. Mais sa candidature fut écartée à la demande de Laval qui le trouva trop vieux pour des fonctions aussi actives. Ceci explique, sans doute, l’acharnement dont, en 1945, il fit preuve à son égard.

[2] Le Maréchal dit un jour devant moi qu’il avait commis une erreur en nommant M. Alibert Ministre de la Justice ; il le qualifia d’exalté, à la fois naïf et véhément, avec une pointe de folie. J’ai lu depuis dans le livre d’Isorni, « Souffrances et mort du Maréchal », qu’il n’avait pas changé d’opinion.

[i] Maurice Gamelin (20 septembre 1872 - 18 avril 1958) était le Général français qui commanda l’armée française pendant la « Drôle de guerre » de 1939 - 1940. Il a été remplacé par le Général Weygand le 19 mai 1940. Pendant le régime de Vichy, le Général Gamelin fut interné au fort du Pourtalet. Le 5 avril 1943, il fut déporté en Allemagne.

[ii] Gaston Cassagnau (29 novembre 1881, Saint Saens - ?) Avocat général à la Cour de cassation depuis 1938, chef du Parquet auprès de la Cour suprême de Justice de Riom.

[iii] Alexandre Serge Stavisky (20 novembre 1886, en Ukraine - 8 janvier 1934, Chamonix), naturalisé français en 1910, escroc bien connu des années 30 (affaire des bons de Bayonne), recherché par la police, il se suicide près de Chamonix.

[iv] Le « feu de file » est le tir d’un peloton positionné sur deux rangs, en l’espèce un peloton d’exécution.

[v] Maurice Gabolde (27 août 1891, Castres - 15 janvier 1972, Barcelone), l’auteur de ces « Ecrits d’Exil », amputé d’une jambe pendant la Première Guerre mondiale, Procureur général à Chambéry depuis 1938, est muté en juillet 1940 à la Cour suprême de Justice de Riom, où il fait partie du Parquet.

[vi] André Bruzin (15 juin 1891, Bordeaux - 25 septembre 1953, Creuse), Magistrat à la Section financière de la Cour d’appel de Paris en 1935-1937, Avocat général à la Cour de cassation depuis 1938, désigné en août 1940 comme membre du Parquet auprès de la Cour suprême de Justice de Riom, redevient en octobre 1943 Avocat général, mis a pied à la libération, revint 4 ans plus tard comme Conseiller à la Cour de cassation.

[vii] Voir le chapitre XIII, consacré à cette affaire, page 215.

[viii] Pierre Béteille, Secrétaire de la Présidence de la Cour suprême de Justice de Riom, est l’auteur, avec Christiane Rimbaud, du « Procès de Riom », Paris, Plon, 1973.

[ix] Me Albert Naud (1904 - 1977), avocat de Pierre Laval.

[x] Aimé-Joseph Darnand (19 mars 1897, Coligny - mort fusillé le 10 octobre 1945, Châtillon), petit entrepreneur de Nice, ancien combattant et homme politique français.

[xi] Paul Mongibeaux, Premier Président de la Cour de cassation (1945 - 1950), Président de la Haute Cour de Justice créée par une ordonnance du 18 novembre 1944.

[xii] Raoul Péret (1870 - 1942), Parlementaire, plusieurs fois Ministre et deux fois Président de l’Assemblée nationale.

[xiii] Louis Bernard Bonjean (4 décembre 1804, Valence (Drôme) - 24 mai 1871, Paris), Président de la Chambre des requêtes à la Cour de cassation, faisant fonction de Premier Président, il est pris en otage par les communards et fusillé le 24 mai 1871.

[xiv] Georges Loustanau-Lacau (17 avril 1894, Pau - 11 février 1955, Paris), militaire de carrière, homme politique et Résistant.

[xv] Paul Devinat (2 janvier 1890, Mâcon - 1er mai 1980, Paris), haut fonctionnaire sous la IIIème République, Résistant, puis homme politique après guerre.

[xvi] Georges Dayras (11 janvier 1894 - 26 juin 1968), membre du Conseil d’État, Secrétaire général du Ministère de la Justice.

[xvii] Jean-Marie de Lattre de Tassigny (2 février 1889, Mouilleron-en-Pareds en Vendée - 11 janvier 1952, Paris), sera plus tard Maréchal de France.

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De brique et de broque
  • Ce blog reprend, depuis la fin 2015, la publication d'extraits d'un livre que je souhaite rééditer, les "Ecrits d'exil" de Maurice Gabolde, mon GP. Auparavant ce furent les extraits des "Carnets du sergent fourrier". Voir aussi (http://gabolem.tumblr.com)
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